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17.12.14 Le Pays Basque à l'épreuve du dialogue social

Le Conseil de développement a adopté le 20 novembre dernier un Avis sur « l’Anticipation des mutations socioéconomiques par le dialogue social », fruit d’un travail de près de trois ans avec l’ensemble des acteurs socio-économiques du territoire, au centre desquels : les partenaires sociaux. 

 

Interviews croisées avec 3 personnalités qui s’investissent dans le « dialogue social »…

 

Jean-Baptiste Etcheto

Président du Conseil de développement du Pays Basque et co-animateur de la réflexion sur les « mutations socio-économiques ».

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’on entend par « Anticiper les mutations socioéconomiques par le dialogue social » ?

JBE : Le monde est en mutations, avec des conséquences importantes pour la vie des entreprises, l’emploi, le social. Pour les anticiper nous avons choisi, de positionner les partenaires sociaux (organisations d’employeurs et syndicats de salariés) au cœur de la réflexion comme de l’action future. La démarche vise à porter un regard mutualisé sur l’ensemble des entreprises du territoire en considérant (ce que j’ai coutume d’appeler) « L’entreprise Pays Basque ». On fait confiance à ceux qui connaissent l’entreprise et en sont les représentants légitimes (les chefs d’entreprises et les organisations syndicales de salariés) ; et c’est à eux que l’on donne le mandat politique et les moyens matériels pour construire ce futur. C’est une démarche mutualiste, volontariste et vertueuse : le dialogue social permet d’anticiper les situations, de répondre aux enjeux par la création et la mise à disposition d’outils communs qui peuvent bénéficier non seulement aux salariés mais aussi aux gérants d’entreprises. Il s’agit par exemple de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, des œuvres sociales, de l’épargne salariale, du co-working… Ensuite les chefs d’entreprise comme les salariés les utiliseront ou pas, en fonction de leurs besoins.

Quels sont les principaux atouts de la démarche ?

JBE : Sur la forme, nous partageons, entre représentants d’employeurs et d’employés, un même diagnostic et avons dépassé la posture du « il faudrait faire » pour nous mettre en capacité d’agir. Sur le fond, cette démarche permet un regard sur toutes les questions périphériques qui impactent les entreprises : la mobilité, le logement, les crèches, etc. On se met en capacité d’avoir un regard croisé sur toutes les problématiques sociétales et d’arriver à répondre aux besoins des entreprises. Ce n’est donc pas uniquement un regard interne à l’entreprise mais aussi un regard externe à tout son environnement. L’outil de dialogue social (que nous souhaitons créer en 2015) serait le seul de ce type en France, piloté directement par les partenaires sociaux qui associent eux-mêmes toute une série de compétences pour mener à bien les projets.

Quels moyens se donne le CDPB* pour mener à bien ce projet ?

JBE : Les partenaires sociaux du territoire ont repéré des actions qu’ils ont envie de réaliser ensemble, qui en plus sont vouées à trouver leur autonomie financière à terme. Il faut donc être en capacité d’accompagner le lancement de ces projets et nous comptons pour cela mobiliser des moyens dans le cadre du futur Contrat territorial. Le Conseil de développement se réorganise aussi pour pouvoir assurer le lancement de cet outil de dialogue social en proposant lors de son Assemblée générale extraordinaire du 18 décembre 2014 de modifier ses statuts. Dans ce projet : tout le monde s’engage !

 

Nathalie Pierre

Représentante de la CGPME* au Conseil de développement du Pays Basque et co-animatrice de la réflexion sur les « mutations socio-économiques ».

Dans un contexte économique tendu, comment les partenaires sociaux du Pays Basque ont-ils réussi le pari du dialogue social ?

N.P : La démarche a vu le jour dans un contexte de crise (en 2008) qui n’a pas facilité les choses et occasionné un premier faux départ. Cependant les besoins étaient déjà bien identifiés et partagés. Nous avons simplement décidé de nous appuyer sur ce que vivent les entreprises du territoire au quotidien. En prenant l’exemple des PME, on constate que d’un côté il est maintenant plus facile d’embaucher, mais que de l’autre il manque des outils efficaces de formation, pour que les salariés développent les compétences adaptées aux besoins des entreprises du territoire. Il manque aussi aux PME, des outils permettant de rester attractives et concurrentielles sur le long terme, afin d’éviter la fuite des salariés qui une fois formés préfèrent souvent répondre aux sirènes des grandes entreprises, mieux armées pour séduire en terme de conditions et de confort de travail. Ce sont les réalités du terrain qui nous ont guidées vers un diagnostic partagé et la nécessité de travailler ensemble.

Qu’est-ce que vous retenez de cette démarche ? Et comment a-t-elle été vécue par les différents acteurs ?

N.P : Je retiens d’abord l’expression d’une volonté commune des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles  d’employeurs qui ont su s’entendre autour d’un projet commun. Bien sûr, nous savions qu’il existerait des points de tension, mais nous avons su dès le départ capitaliser sur des idées simples et raisonnables, qui nous ont permis de construire, à partir d’un consensus, les conditions d’un avenir commun. Je pense que personne ne sortira de cette démarche frustré, car chacun a pu s’exprimer librement et en bonne intelligence, en s’impliquant jusqu’au bout, pour finalement arriver à construire ensemble une réflexion autour de thématiques essentielles, telles que le développement de la formation, l’amélioration de la qualité de vie au travail ou le soutien aux entreprises dans le domaine des ressources humaines.

 

Gérard Cascino

Directeur régional adjoint du pôle Politique du Travail à la DIRECCTE* - Aquitaine

La Direccte a participé aux travaux engagés par le CDPB depuis leurs débuts. C’est aussi le premier des partenaires institutionnels à s’être engagé pour financer des actions en 2015. Pouvez-vous préciser les raisons de cet engagement ?

 G.C : Il existe d’abord une réelle volonté au sein du Ministère du travail de renforcer et favoriser la démarche de dialogue social dans les politiques de développement économique et social des territoires. Le contexte économique et social nous démontre qu’il est  vain d’envisager l'avenir dans une logique prévisionnelle. Dans un environnement ouvert et incertain, qui peut prévoir de quoi demain sera fait ? Le véritable levier structurant du développement territorial émane de la seule volonté des acteurs, en se situant dans une démarche prospective à l’échelle du territoire. Si les services de l’Etat accompagnent le projet porté par le Pays Basque c’est parce qu’il est un exemple concret de ce que l’on attend aujourd’hui du dialogue social et de son apport au développement des territoires.

Pouvez-vous préciser en quoi la démarche entreprise au Pays Basque est si singulière et innovante ?

 G.C : C’est une démarche assez exceptionnelle et rare d’un point de vue national, car le processus fait émerger une gouvernance propre et un tour de table réunissant les acteurs publics, les organisations syndicales et patronales, ainsi que les élus locaux. Le projet va au-delà d’une démarche d’expertise technique et des cadres institutionnels habituels. Le Pays Basque semble avoir compris qu’un territoire n’est pas qu’un simple support d’activités, plus ou moins bien doté en attributs matériels, en ressources et en équipements, mais que son devenir repose aussi sur une série d’attributs immatériels que constituent le dynamisme et la densité des relations nouées entre les différents acteurs qui le compose. En l’occurrence, il s’agit d’un projet politique mené par les acteurs locaux à partir d'un diagnostic prospectif partagé, permettant de dégager une visée commune et de construire un avenir commun. C’est une réelle opportunité avec un enjeu majeur, celui de réunir les conditions de la permanence de la démarche.


*CDPB : Conseil de développement du Pays Basque.

*CGPME : Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises.

*La DIRECCTE* est la direction régionale de l’Etat en charge des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

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